AMOUR
AMOUR QUAND TU NOUS TIENS, CRAYON CRAYON QUAND JE TE TIENS…
2
H se préparait comme chaque matin pour aller au travail. Un dernier
coup d’œil dans la glace, la mine noire bien taillée, le costume noir,
tout y était. 2 H était un crayon de bois, Président de la Société 2 H
Père et Fils, sauf que le père n’était plus là, il était donc le
PDG.
Ce matin
là, il s’en alla à pied, nous étions en août et le ciel bleu
augurait d’une belle journée très chaude. Il arriva au bureau, salua
tout le monde d’un signe de tête, tous ses employés répondirent d’un
seul élan à son salut, tous habillés de la même façon, costume noir,
pointe noire très fine car il était de bon ton de ressembler à leur PDG.
Il entra
dans son bureau, se laissa tomber dans son fauteuil et poussa un gros
soupir. En effet, les affaires n’allaient pas bien en ce moment, sa
société exportait des fournitures scolaires (et oui cela ne s’invente
pas !) ou plutôt cela s’invente, la preuve. Il regarda autour de lui,
repoussa un nouveau soupir à fendre l’âme. Ce qu’il voyait ne le
réjouissait pas : Ah ! Quelle tristesse ce bureau, murs gris, moquette
grise, bureau gris, dans le fond cela reflète ma société mais j’en ai
assez de tout ce gris, que faire ? » Bon arrêtons de rêvasser.
On frappa
à la porte : « Entrez, ah c’est vous 4h, vous m’amenez les comptes du
mois, qu’en ressort-il ? » « Monsieur, je suis désolé mais la société
va droit à la faillite, il faut du changement, c’est impératif ».
C’est là
que la providence entre en jeu. Une heure plus tard, le téléphone
sonne, sa secrétaire, plus très jeune, 7 h a fait une malencontreuse
chute et s’est cassée en deux, mine et corps, c’est grave, cela demande
une opération et un arrêt indéterminé.
« Voilà
cette belle journée d’été s’annonçait plutôt mal malgré ce ciel bleu
qui semble me narguer « Vite, un appel interne, le DRH 7 B bien gras
comme son nom l’indique arrive et lui suggère de faire passer une
annonce pour recruter une nouvelle secrétaire. « Ok, allez-y je veux
des postulantes cet après-midi, il me faut une nouvelle secrétaire pour
demain matin » « d’accord j’y cours ou plutôt je sautille le plus vite
possible Monsieur le PDG ».
L’après-midi,
comme prévu, il y avait tout un bataillon de jolis crayons qui
attendaient, tous gris, tous pointe fine, tous aussi tristes. Le PDG
les reçus et à chaque fois, cela n’accrochait pas. Il désespérait.
Un petit
coup énergique à sa porte, 7 B vient lui informer qu’il reste une jeune
fille à recevoir, une secrétaire à bille ! Il en bégaie, il en est
rouge, il n’a jamais vu cela de sa vie. Ne pouvant plus s’exprimer il
laisse entrer la jeune fille, et là ….. c’est à 2 H de bredouiller,
a..ss..ayez vous Ma..De..moi..selle ? … Mademoiselle Bic, Monsieur. Il
faut dire que la jeune fille est ravissante. Un corps pulpeux, rond,
une jupe orange, un haut blanc et surtout quatre couleurs, bleu, vert,
noir et rouge, et surmontant le tout une petite boule de la même teinte
que son haut, tout cela accompagné d’ une démarche sautillante très
accrocheuse, pourrait-on dire.
La
secrétaire lui donna son CV en lui disant : « je suis jeune mais j’ai
déjà roulé ma bille , je peux apporter à votre société, plus de
rendement, plus de couleurs dans tout ce gris, plus de performance ».
En un mot comme en cent 2 H fut conquis et surtout ébloui par celle
belle jeune fille. Elle fut embauchée sur le champ.
A partir
de ce jour, le personnel fut plus souriant, plus dynamique, les
crayons furent aussi plus entreprenants, normal, ils n’avaient
jamais vu de leur vie tant de couleurs à la fois. Toutefois, la jeune
fille était sérieuse et n’avait d’yeux que pour son travail et il faut
bien le dire pour son patron. Elle n’hésitait pas à travailler plus
tard rien que pour le plaisir de rester en tête à tête avec 2 H. Au
bout de quelques mois, 2 H très sensible à son charme se déclara «
Mademoiselle, vous êtes celle que j’attendais, une jeune fille
sérieuse, jolie, colorée, efficace, mon cœur ne bat que pour vous,
voulez-vous m’épouser ? »La jeune fille tout aussi émue lui répondit
dans un grand élan « Oui je le désire ardemment, nos deux cœurs battent
à l’unisson, donc unissons-les ! »
Le
mariage eut lieu en présence de tout le personnel qui fut convié pour
cette grande occasion. Malheureusement, à part la mariée, la couleur ne
dominait pas mais la jeune femme avait une idée en tête….
Quelques
jours plus tard, dans le bureau de son mari, elle lui parla de cette
idée. : » Tu sais 2 h chéri, un bon rendement, des employés dévoués à
leur patron passent aussi par une bonne ambiance, j’ai une idée » « Oui
dis moi ma chérie, de quoi s’agit-il ? » «Et bien voilà, il existe des
stylos de toutes les couleurs, des fluos, roses, jaunes, verts, bleus
avec en plus un parfum, nous avons besoin de personnel, plusieurs
secrétaires vont bientôt partir à la retraite, pourquoi ne pas les
embaucher ? Cela serait agréable, de la couleur dans ces murs, des
odeurs agréables, le visuel ainsi que l’odorat sont très importants, ne
crois-tu pas ? » « Tu as raison, ma chérie, je te charge de les
recruter »
Une
semaine plus tard, la société 2 H Père et fils était méconnaissable. Il
y régnait une effervescence, les crayons gris se mélangeaient aux fluos
de toutes les couleurs, l’on pouvait respirer des parfums tous plus
enivrants les uns que les autres, des idylles se formaient, le
travail se faisait dans la bonne humeur, le chiffre d’affaire
augmentait (ce qui ne déplaisait pas au PDG). Même les murs avaient été
repeints dans des tons plus agréables à l’œil.
2 H
bénissait le jour où son ancienne secrétaire avait eu cet accident car
sans cela il n’aurait jamais rencontré son épouse qui le combla encore
plus en lui annonçant, un jour, qu’elle attendait des triplés. A cette
annonce, le pauvre s’évanouit sur le choc, trois d’un coup, Mon Dieu
comment vais-je m’en sortir ?
Les trois
bébés vinrent au monde un beau jour d’octobre, trois petites
balances. Un garçon et deux filles, le garçon était le portrait craché
du papa, toutefois la mine était plus claire, le corps d’une jolie
teinte bleue, la première fillette avait une mine rose et le corps tout
rose, une vraie merveille, et la deuxième fillette, le portrait de sa
maman, le bas orange, le haut blanc mais toutefois elle n’avait qu’une
couleur le noir héritage de son papa.
Que
pourrait-on trouver comme fin à cette histoire. Qu’il faut s’efforcer
de voir la vie en couleurs et non pas toujours en gris, de s’inventer
quelques morceaux de ciel bleu, de respirer quelques bonnes odeurs, de
regarder autour de soi, bref de s’inventer le bonheur soi même car il
ne frappera pas d’emblée à votre porte, alors vivez, souriez, chantez,
respirez, regardez autour de vous, aidez autour de vous…… et tout cela
vous sera rendu au centuple
© 28 août
2011 MARTINE VAN UYT FANGE